Il reste encore presque deux ans avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles comptables IFRS 16 le 1er janvier 2019. Nous conseillons cependant à toutes les entreprises soumises aux règles IFRS de constituer dès à présent des équipes-projets et de commencer à se préparer cette année. Vous aurez à répertorier presque tous les contrats avec vos fournisseurs, à les analyser et sans doute à les revoir de fond en comble. Prévoyez suffisamment de temps.

Pour rappel: les normes IFRS 16 exigent que tous les actifs mobiliers et immobiliers d’une valeur unitaire supérieure à 5.000 dollars soient enregistrés au bilan, et donc aussi des actifs actuellement comptabilisés en charges opérationnelles et hors-bilan. Parmi ces actifs, citons les équipements industriels, robots, systèmes de stockage, serveurs, voitures, camions, immeuble de bureaux, entrepôts, et surfaces commerciales, sans oublier les trains, avions, ou bateaux, pris aujourd’hui en location opérationnelle. Il n’y a pas de changement pour les contrats relatifs uniquement à des actifs de faible valeur : la plupart des contrats portant sur des pc’s, laptops, imprimantes, smartphones, tablettes, etc. Il y a toutefois dans ces types d’actifs des exceptions, qui coûtent individuellement plus de 5.000 dollars, comme des imprimantes de haut de gamme, des systèmes de visio-conférence, ou Surfaces Hub .

Il faudra évaluer tous vos contrats selon les critères de ces normes IFRS 16, d’ici la fin de l’année prochaine. Ceci peut vous mener plus loin que vous ne le pensez. Vos contrats de location opérationnelle passeront à l’actif et en dette au bilan, avec les conséquences financières qui en découlent. A moins que vous ne souhaitiez les faire évoluer vers des contrats de services, ce qui représente une charge de travail plus importante : sans doute les réécrire entièrement et vous assurer que l’abandon du contrôle sur ces actifs et d’une partie de votre indépendance ne mette pas en danger le bon fonctionnement de votre entreprise. N’oubliez pas non plus de bien analyser vos actuels contrats de services. Peut-être s’agit-il en réalité, sans que vous ne le sachiez, de contrats de location à retraiter au bilan.

Quels sont les deux critères d’évaluation ?

Quand un contrat est-il qualifié de contrat de services dont les actifs ne doivent pas apparaître au bilan ? Ne vous laissez en tous cas pas influencer par le nom du contrat : « contrat de services » ou « contrat de location ». En vertu du principe « substance over form », le nom du contrat n’est pas un critère pertinent. C’est le contenu réel qui déterminera la classification, sur base de deux critères (et de leurs sous-critères) : un actif identifié et le contrôle sur cet actif. Si les deux critères sont cumulativement remplis, le contrat est un contrat de location, sinon il s’agit d’un contrat de services.

Décrivons brièvement ces deux critères :

  • un actif identifié :

Si le contrat se limite à la description du service attendu, sans définir quels actifs identifiés seront utilisés pour le prester, il s’agit d’un contrat de services. Un contrat de 3 ans pour la production de 500.000 mètres cubes de gaz réfrigérant pour une installation industrielle à telle température et telle pression, est un contrat de services. S’il est mentionné que pour la production de ce gaz, ce seront les machines 1 et 2 de la marque A qui seront utilisées, il faut évaluer le contrat à la lumière de sous-critères de ce premier critère.

Si l’actif est identifié, le contrat peut rester un contrat de services si le fournisseur a le droit à tout moment de remplacer cet actif (“droit de substitution”), de la façon et à la date qui lui conviennent le mieux. Si vous avez, en tant que client, un réel droit de regard, le contrat penche du côté de la location, et il faudra vérifier le deuxième critère, celui du contrôle. Pour reprendre l’exemple du gaz réfrigérant : lorsque vous êtes en droit de contester le remplacement des machines 1 et 2 par une machine 3 de plus grande capacité, l’actif est identifié. Se pose alors la question du contrôle sur cet actif.

Disposer à tout moment du droit de remplacer l’actif ne suffit pas. Il faut que votre fournisseur en tire un bénéfice économique. Au-delà d’un droit théorique de remplacement, son exercice doit être possible en pratique et se produire de manière régulière (la norme parle de « droit substantiel de substitution»). S’il apparaît que ce remplacement est trop difficile, n’est pas rentable, ne se réalise pas en pratique pour diverses raisons, ou s’il apparaît a posteriori que le fournisseur ne l’effectue quand même pas, votre contrat a beau prendre l’apparence d’un contrat de services, il s’agira peut-être d’un contrat de location déguisé. Inversement, le remplacement possible en pratique, rentable, exercé ou exerçable, permettra de qualifier le contrat de réel contrat de services.

  • le contrôle sur l’actif :

S’il apparaît clairement en vertu du premier critère et de ses sous-critères que les actifs sont identifiés, le contrat peut néanmoins rester un contrat de services si le client n’exerce pas le contrôle sur ces actifs. Si le fournisseur garde le contrôle, il s’agit alors de manière définitive d’un contrat de services. Deux aspects définissent le contrôle: bénéficier de la plupart des avantages économiques, et décider comment et à quoi les actifs sont utilisés. Si les machines de production sont principalement utilisées par un client, et que ce client décide quand le gaz réfrigérant est produit par la machine 1 ou par la machine 2, et quand chaque machine a son entretien, le contrat sera de manière définitive un contrat de location. En conséquence, les actifs et une dette viennent au bilan du client.

Pour vous aider à évaluer correctement vos contrats à la lumière de ces deux critères et des sous-critères, un troisième blog paraîtra prochainement, et inclura un arbre de décision.

Prêts à déléguer votre pouvoir de décision ?

A ce jour, les contrats de location hors-bilan vous permettent pour l’essentiel de décider quels actifs vous utilisez, et comment. A partir de 2019, ce ne sera plus le cas. Si vous louez aujourd’hui des voitures, vous choisissez vous-même la marque, les modèles, quand vous les remplacez, etc. Selon les nouvelles normes IFRS 16, si vous souhaitez utiliser des voitures et continuer à les comptabiliser en frais opérationnels, votre fournisseur vous fournira un «service de mobilité». Il décidera la meilleure façon de le prester. Etes-vous prêt pour cette approche ? Vos collaborateurs aussi ? Et votre fournisseur actuel ?

Déplacer le pouvoir de décision vers votre fournisseur ne pose pas vraiment un problème en tant que tel. C’est déjà le cas aujourd’hui dans de nombreux domaines. Les exemples les plus connus sont le cloud public et les réseaux internet. Les fournisseurs proposent un niveau convenu de capacité, de disponibilité et de sécurité, sans autre souci. Vous n’intervenez pas dans le choix du matériel ni dans les aspects opérationnels. En normes IFRS 16, pour comptabiliser les contrats en frais opérationnels, établissez avec votre fournisseur une relation de « service level agreement », de prix à l’usage, de prix à la performance, etc. A lui de déterminer la meilleure façon de vous délivrer le service.

Votre fournisseur s’intéressera plus à vous

Plus de responsabilités donc dans le chef de votre fournisseur. Sans doute devra-t’il innover pour vous permettre de gérer hors-bilan. Les loueurs de voitures, d’informatique et de technologies numériques développent déjà des nouveaux modèles de services, du type prix à l’usage ou prix au résultat. Comme ces nouveaux modèles ne sont pas encore complètement finalisés, notre conseil est précisément de vous y préparer sans tarder. Le nombre de sujets à discuter, négocier, transformer est conséquent pour mettre en place des « service level agreements”. La check-list en fin du premier blog consacré à IFRS 16 vous aidera au démarrage de ce processus.

captureChristian Levie présente 30 ans d’expérience en finance et leasing. Il cumule durant 20 ans diverses fonctions dans les secteurs de l’audit et de la finance, en Belgique et à l’étranger. Ces 10 dernières années il a majoritairement occupé des fonctions commerciales et de business development.
Christian a participé à divers groupes de travail au sein du groupe Econocom lorsque la norme IAS 17 fut publiée. Il a apporté son soutien à plusieurs clients cotés en bourse en implantant leurs contrats de leasing opérationnel et ce, dans divers secteurs et pour divers types d’actifs. Il a également entièrement suivi le projet d’élaboration de la nouvelle norme IFRS 16. Depuis 2014, Christian est membre de l’Association Belge de Leasing (ABL).

 

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