Si la France peut compter sur son patrimoine afin d’attirer les touristes, les professionnels du secteur misent désormais aussi sur les nouvelles technologies pour le mettre encore mieux en valeur. Partout, historiens et conservateurs utilisent par ailleurs eux-aussi le big data pour mener leurs recherches, et sauver nos trésors. Petit tour d’horizon des dernières innovations en date.
Histovery
Fondée en 2013, la start-up française Histovery ambitionne de « permettre au très grand public de redécouvrir la richesse du patrimoine culturel grâce à des technologies interactives, spectaculaires et accessibles à tous, dans le respect rigoureux des connaissances scientifiques ». Elle a développé une technologie de visite augmentée sur tablette baptisée l’HistoPad. Grâce à des reconstitutions en 3D, le visiteur peut découvrir la face cachée des lieux qu’il traverse. L’application mise beaucoup sur l’interactivité et le rich media. Si elle bénéficie déjà d’un beau succès en France (château de Chambord, Palais des Papes à Avignon, forteresse royale de Chinon, abbaye de Sénanque…), Histovery a récemment réussi à exporter sa technologie. A l’occasion des célébrations du 75e anniversaire du Débarquement, l’exposition du musée de Sainte-Mère-Eglise a pu être virtuellement déménagée au musée national de l’US Air Force, à Dayton, aux États-Unis.
Hermine
A Ploërmel, dans le Morbihan, il est désormais possible d’avoir une visite guidée 100% numérique. L’application Hermine -du nom de cet animal symbole des ducs de Bretagne- a été spécifiquement développée pour mettre en valeur le patrimoine local, en particulier celui qui échappe encore aux visites de groupe plus classiques. Disponible sur smartphones et tablettes, elle a été conçue par la société Sadal Engineering, en partenariat avec la municipalité et l’office du tourisme. « L’application n’est pas une menace pour le personnel du tourisme. Par contre, c’est un complément, un appoint, lorsque les offices sont fermés, en fin de journée, ou lorsque de petits lieux ne peuvent pas s’offrir un guide alors qu’ils suscitent l’intérêt des touristes », expliquait Emeline Hargez, historienne à la tête du projet Hermine, dans un article du quotidien Ouest-France. Avec Hermine, la municipalité souhaite en effet élargir son public, notamment auprès des plus jeunes.
Randojeu
S’il existe, on l’a vu, des guides numériques ou des visites augmentées, l’agglomération de Flers, dans l’Orne, a quant à elle décidé d’associer patrimoine et ludisme. Le Randojeu a ainsi été spécifiquement développé pour la commune de La Ferté-Macé, ancienne cité fortifiée désormais membre de l’agglomération normande. Il propose une découverte plus ludique des richesses locales, sous la forme d’énigmes ponctuant un parcours touristique de 3,4 kilomètres, pour 2h30 de plaisir et de découverte. « C’est un rallye pour tous publics, touristes ou habitants, dès l’âge de 10 ans. Il promet un moment agréable et ludique à partager en famille, entre amis, ou en groupe », résumait Gérard Colin, vice-président de Flers Agglo chargé du tourisme, dans une interview donnée à Ouest-France. Tout au long de sa visite, le joueur est accompagné par une abeille stylisée, clin d’œil à la ruche qui figure sur le blason de la ville. Il répondra à 30 questions, qui lui permettront d’en savoir un peu plus sur l’histoire de La Ferté-Macé et de ses habitants.
Time Machine
Fondé en 1940, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) est en pleine mutation numérique. Il développe actuellement cinq projets ambitieux, dont l’un propose de modéliser l’évolution des paysages, notamment celui des villes. Baptisée Time Machine, cette technologie utilise les données issues du patrimoine culturel -dessins, gravures, tableaux, plans, maquettes…- pour raconter le passé et anticiper le futur. Une reconstitution de l’évolution de la ville de Venise a ainsi pu être réalisée. « L’objectif final est d’établir des modèles de calcul qui permettront d’extrapoler vers le futur », assurait Claude Penicand, directeur de la stratégie à l’IGN, dans une interview à L’Usine digitale. La technologie Time Machine -qui implique directement ou indirectement plus de 200 partenaires, dont le célèbre studio français Ubisoft- est actuellement en compétition pour obtenir une subvention européenne d’un milliard d’euros.
Circulating Artefacts
De l’autre côté de la Manche, le big data équipe également les musées. Afin de lutter contre le trafic d’antiquités -en particulier celles en provenance d’Égypte, particulièrement prisées-, le British Museum, à Londres, a développé une base de données rassemblant toutes les pièces découvertes, répertoriées, puis sorties du pays depuis le XIXe siècle. Le projet a été financé grâce à une enveloppe d’un million d’euros offerte par le Cultural Protection Fund. Baptisé Circulating Artefacts, cet outil se base notamment sur la liste de plus de 80 000 objets vendus ou échangés, établie de manière exhaustive depuis 1970. Élément important : cette base de données recense les œuvres acquises légalement ou non. Librement accessible en ligne, elle permettra ainsi de mieux lutter contre les pillages et les trafics.
Aux origines de la Bible
Le big data ne sert pas uniquement à valoriser ou à protéger le patrimoine. Il peut aussi permettre de le sauver et de mieux le comprendre. Découverts en 1947, les manuscrits de la mer Morte sont les plus anciens fragments de la Bible connus à ce jour. Certains datent du IIIe siècle avant notre ère. Problème : ils sont en lambeaux et leur état de conservation est assez mauvais. Environ 100 000 fragments constituent ce puzzle géant, à manipuler avec la plus extrême précaution. Grâce aux technologies numériques, il est désormais possible de scanner et de comparer ces pièces, afin de tenter de reconstituer des pages, ou même d’identifier leurs auteurs. Mais il y a mieux. « Certains rouleaux ont été retrouvés complètement carbonisés. Essayez de l’ouvrir, et il tombe en miettes », explique Thomas Cavaillé-Fol, du magazine Science & Vie. Pour parvenir à le lire, les scientifiques l’ont scanné et numérisé en 3D. Grâce aux traces de fer présentes dans l’encre utilisée par le scribe, il a ensuite été possible d’ouvrir virtuellement le rouleau vieux de plus de deux millénaires.